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Le "Fawn Response"
- Le 25/11/2025
- Dans Articles
Quand on apprend à survivre en devenant trop accommodant...

Il m’arrive parfois, en séance, de voir un patient sourire alors qu’il est en train de raconter quelque chose de profondément douloureux. C’est souvent le même type de sourire que j’ai vu chez certaines personnes qui ont passé leur enfance à “faire la paix” dans leur famille. Au début, on peut croire que c’est de la gentillesse. En réalité, c’est parfois du "fawn", cette réponse de survie très ancienne.
Le cerveau choisit alors la paix au prix de soi?
On connaît fight, flight, freeze. On en parle partout. Mais il existe un quatrième réflexe : fawn. Littéralement, “se faire petit”, s’adapter, se rendre agréable pour éviter le conflit.
Et ce n’est pas seulement psychologique. Sur le plan neurobiologique, c’est une stratégie qui active les circuits de l’apaisement social : l’ocytocine, le cortex préfrontal ventromédian, et tout le réseau impliqué dans la lecture des émotions d’autrui.
On pourrait presque dire que le cerveau devient un radar hyper-sensible aux micro-signaux : un soupir trop long, un sourcil levé, et il réajuste immédiatement son comportement.(Digression inutile mais qui me vient : si on pouvait mesurer la quantité d’énergie mentale que dépensent certains enfants pour “prévenir” le mauvais état émotionnel d’un parent… on reverrait probablement la notion de résilience à la hausse.)
À quoi ça ressemble dans la vraie vie ?
Je ne parle pas de politesse. Je parle d’un automatisme.
Exemples typiques :- dire “oui oui ne t’inquiète pas” alors que tout en soi crie l’inverse.
- s’excuser avant même d’avoir compris ce qu’on aurait fait.
- sentir chaque changement d’humeur de l’autre, avant même qu’il parle.
- disparaître un peu, s’ajuster beaucoup.
- avoir peur, physiquement, du moindre signe de déception.
==> C’est un conditionnement protecteur acquis dans des contextes où contrarier quelqu’un était perçu (souvent à juste titre) comme dangereux. Ce n'est pas un choix de comportements réfléchis.
Par exemple : « Quand j’étais enfant, je devinais l’humeur de ma mère dès le bruit de ses clés dans la serrure. Si ça claquait, je devenais silencieuse. Si ça tintait doucement, je faisais une blague. »
Elle n’avait que huit ans. Huit ans… et déjà experte en régulation émotionnelle parentale. C’est exactement ça, le fawn. Une stratégie, d'un coté brillante, d'un autre coté ecrasante pour son propre soi.Pourquoi c’est si difficile à déconstruire ?
Parce que, paradoxalement, ça marche. Socialement, on valorise la flexibilité, l’empathie, le calme. Alors le fawn passe pour de la maturité affective… alors que c’est souvent une hyper-adaptation traumatique. Et puis, se reconnecter à ses propres besoins peut être terrifiant, presque “dangereux”, pour un système nerveux habitué à se protéger en les effaçant.
En thérapie, on avance par petites touches :
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retrouver les sensations corporelles (la neuroception, pour les fans de polyvagal)
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identifier le moment où le “vrai moi” disparaît pour laisser place au mode sécurité
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expérimenter des micro-limites, parfois minuscules au début, mais révolutionnaires
Le fawn n’est pas un défaut, c’est un hommage à la créativité de ton cerveau. Il a trouvé une manière de te maintenir en vie dans un contexte où tu n’avais pas d’autres options ;-).
Anne-France